Bonjour Président,
Nos adhérents et retraités se posent beaucoup de questions sur l’avenir de notre Mutuelle. Aussi, en leur nom, je vous remercie de m’accueillir dans vos bureaux pour répondre à quelques-unes de leurs interrogations. Si vous n’y êtes pas opposé, nous mènerons cet entretien sous forme d’interview. Je ferai volontairement abstraction des éléments en ma possession, portés à ma connaissance lors des réunions du conseil d’administration de la Mutuelle UMC duquel je fais partie.
Jean-Claude Frey, à l’issue de l’assemblée générale en juin dernier, vous avez été réélu président du conseil d’administration de la Mutuelle UMC. Alors, vous êtes un homme heureux ?
«
Ma réponse va être partagée : C’est naturellement honorifique de se voir confier une nouvelle fois la fonction de président de la Mutuelle, mais c’est aussi une lourde charge, qui se complexifie chaque jour davantage.
Enfin, vous le savez, depuis Novembre 2014, je suis devenu « retraité » - j’envisage à ce sujet d’adhérer à l’amicale de ma région-, et mon épouse aimerait bien que je consacre maintenant mon temps à autre chose que la Mutuelle… ! Ce sera donc sans aucun doute mon dernier mandat ! »
Il ne nous appartient pas de refaire l’histoire mais lors de l’externalisation de la Mutuelle du personnel du Crédit Lyonnais, à la fin du siècle dernier, n’aurions-nous pas pu envisager un mouvement d’ensemble dans la profession bancaire, avec une mise en commun des moyens et des compétences, afin d’aboutir à la création d’une mutuelle interbancaire ?
« A l’époque existait « l’association des Présidents de mutuelles de Banque ». Nous y évoquions souvent cette question de nous regrouper, parce que nous avions les mêmes préoccupations et que, unis nous serions plus forts. Mais, nous avions en même temps tellement de modes de fonctionnement différents et les implications de nos employeurs, tant dans la gestion que dans le financement étaient telles qu’il était quasi impossible d’avancer sereinement dans cette démarche. Souvenons- nous des autres débats à l’AFB autour de la retraite complémentaire … »
A l’époque, le choix de l’Union nationale interprofessionnelle des Mutuelles Cogérées était-il le meilleur ? N’aurions-nous pas pu nous adosser à un groupe mutualiste plus important.
« Le choix d’adhérer à l’Union UMC a été justement de conclure un partenariat en gestion avec un organisme où nous aurions toute notre place, et surtout la continuité de notre identité et indépendance. Nous avions été approchés par d’autres organes mutualistes qui nous proposaient purement et simplement une absorption. Je crois utile de rappeler que le système a parfaitement fonctionné jusqu’à la décision de LCL de nous retirer en 2011 la gestion de tous les salariés, conjoints et enfants ! »
En 2011, une majorité de ses adhérents vote pour l’intégration de la MPLCL dans l’UMC Santé. A cette date, les fonds propres de la MPLCL sont confortables, plus de 33 M€, un tiers des fonds propres de l’UMC Santé. Etait-ce le meilleur choix pour les adhérents.
“Ce qui est certain, c’est qu’à ce moment, le monde de la Mutualité n’était pas encore confronté aux multiples- et je précise, inutiles, inefficaces et dangereux, bouleversements imposés par les Pouvoirs Publics et la transposition des réglementations européennes.
Nous avions deux choix possibles : continuer à « exister » en qualité de mutuelle autonome, disposant certes de confortables réserves (que certains ont d’ailleurs cherché à nous déposséder !), que nous ne pouvions cependant pas « ponctionner » chaque année pour amortir le coût des cotisations et les effets de la perte de notre population active protégée, et par ailleurs ne disposant d’aucune possibilité de nous développer pour compenser ces pertes et « rajeunir » notre portefeuille.
Ou alors, et c’est l’option que nous avons proposé à notre Assemblée Générale, profiter d’une restructuration de l’Union UMC en Mutuelle UMC (fusion de plusieurs mutuelles fondatrices) pour rejoindre cette nouvelle mutuelle et constituer ainsi un organisme mutualiste représentatif.
J’ajoute qu’il n’est absolument pas certain que notre Autorité de Contrôle nous aurait longtemps laissé vivre en mutuelle autonome… alors, bon choix, mauvais choix ? je reste toujours convaincu aujourd’hui que l’Assemblée Générale a fait le bon choix.”
Vous êtes un fervent défenseur de la solidarité intergénérationnelle. La mise en place de la complémentaire santé obligatoire au LCL, nous retraités de l’Etablissement, nous en a privé. Plus de 20 000 actifs ont alors quitté la MPLCL. Ne pouvions-nous pas espérer que l’UMC emporte le marché lors de l’appel d’offre en misant sur la poursuite d’une relation vieille de 90 ans ?
« Nous nous sommes battus pour cela. Au risque de m’attirer de nouvelles foudres, je maintiens que les dés étaient pipés au départ ! Je constate enfin que le système choisi par LCL ne fonctionne pas : le régime est depuis le début totalement déséquilibré et je crois savoir que les salariés n’en sont pas globalement satisfaits.
»
Revenons, si vous le voulez bien, à l’actualité immédiate. Les pertes au titre du dernier exercice s’élèvent à 9,7 M€ (rapport annuel 2014). Pouvons-nous ajouter « pour solde de tout compte » ou devons-nous nous attendre encore à des années sombres ?
« Les comptes 2014 sont effectivement mauvais. Comme je l’ai déjà indiqué, les causes sont à la fois conjoncturelles et structurelles. D’importantes mesures ont été prises cette année, mais qui, c’est évident, pour bon nombre ne produiront des effets qu’en 2016, d’autant que de nouvelles contraintes réglementaires viennent encore compliquer notre tâche ( je pense aux contrats responsables et aux nouvelles dispositions pour les plus de 65 ans…).
Cela dit, pour rassurer nos adhérents, il faut savoir que nous avons fait l’objet d’un contrôle de notre Autorité de Contrôle Prudentielle et qu’à cette occasion, nous avons pu soumettre un plan de redressement rigoureux ( et validé) que nous allons suivre scrupuleusement pour revenir à des résultats équilibrés dès 2017.
Enfin, il est important de souligner que malgré ces résultats, nos fonds propres et nos marges de solvabilité ne sont pas dégradées, grâce à notre activité soutenue d’intégration de mutuelles. »
Pensez-vous à la mise en place d’un plan d’économies drastiques ou réfléchissez-vous davantage à un développement de votre part de marché, même si ce terme appartient à l’économie capitaliste et qu’il peut paraître un peu déplacé lorsque nous parlons « mutualité » ?
« Parmi les mesures prises, nous avons effectivement mis en place un programme de maîtrise des coûts de gestion. Notre taux de gestion tourne maintenant autour de 17%, ce qui est considéré comme un bon taux, mais nous pouvons encore l’améliorer, je précise sans mesures sociales contraignantes !
S’agissant de notre développement, comme vous le savez, les conséquences de l’A.N.I vont considérablement réduire et fragiliser nos champs d’actions traditionnels (individuels, petit collectif). Par ailleurs, les discussions parlementaires actuelles portant sur de nouvelles conditions concernant les Seniors sont une nouvelle source d’inquiétude.
D’où nos travaux actuels pour conclure de nouveaux partenariats permettant d’enrichir nos offres et accroître nos périmètres de développement. Ceci s’applique d’ailleurs, comme vous pouvez le lire ici ou là, l’ensemble du secteur mutualiste. »
Et les cotisations dans tout cela ? Les augmentations devaient se limiter aux dérives des dépenses de santé et à l’évolution de la fiscalité, mais en aucune façon être liées au vieillissement de notre population. Pour l’ex-MPLCL, elles ont augmenté au 1er janvier 2015 de 5 %. Qu’en sera-t-il pour l’année 2016 ? Les produits financiers tirés de l’apport des capitaux propres de l’ex-MPLCL, même moins conséquents que ces dernières années, ne devraient-ils pas freiner la fougue des actuaires ?
« N’oublions pas que nous devons aussi ajouter le poids des taxes ! cela représente plus de 13% de la cotisation, un montant 6 fois plus élevé qu’en 2012 !.
Par ailleurs, alors que l’on fête les 70 ans de la Sécurité Sociale, le gouvernement porte, dans son PLFSS 2016, un nouveau coup de canif au caractère universel et solidaire de notre modèle mutualiste de protection sociale : il amplifie le principe de segmentation des risques entre actifs et non actifs.
l’Assurance maladie ne rembourse plus aujourd’hui que 51% des frais de soins courants, 33% des frais dentaires et 5% des dépenses d’optique…on voit bien à travers ces chiffres quelle est la charge des mutuelles complémentaires, que les adhérents doivent bien assumer.
Et enfin, la mise en place des contrats responsables au 01 janvier 2016 va générer, notamment avec la suppression des limitations pour les frais d’hospitalisation, de nouvelles charges.
Ainsi, avec le cumul de l’ensemble de ces facteurs la cotisation 2016 pourra subir une nouvelle augmentation de l’ordre de 7%.
Por répondre à la dernière question, je peux confirmer que la cotisation ne prend en charge que la moitié des frais de gestion, l’autre moitié étant toujours financée par les produits financiers ( en baisse) générés par les apports de l’ex MPLCL. »
La presse mutualiste et économique se fait l’écho de rumeurs de divorce entre la Mutuelle Malakoff Médéric et la Mutuelle UMC. Rappelons que les deux entités avaient créé fin 2013 l’union de groupe mutualiste Agilis (50/50) avec la perspective pour l’UMC d’assurer son développement et préserver son autonomie et sa pérennité. Qu’en est-il réellement ?
« Il ne s’agit pas de rumeurs mais bien d’un divorce effectif. La conclusion d’un nouveau partenariat entre le groupe Malakoff et la Mutuelle MG a changé la donne de notre propre partenariat, en le transformant en un processus de fusion/absorption, nous amenant à proposer à notre Assemblée Générale de juin dernier de quitter l’UGM AGILIS et de rechercher un autre partenaire, toujours pour nous permettre de pérenniser notre Mutuelle en préservant ses principes et spécificités . »
Parallèlement la presse annonce que l’UMC devrait rejoindre le pôle mutualiste du groupe Klésia. Ces rumeurs sont-elles fondées. Où en sont les tractations ? Un calendrier est-il défini ?
« Nous négocions actuellement avec ce groupe, avec le projet de soumettre à une Assemblée Générale, sans doute en janvier prochain, un protocole d’accord définissant précisément les conditions d’un nouveau partenariat applicable dès le début de l’année 2016.
Nous poursuivons le même but et avons les mêmes ambitions que précédemment »
Malakoff Médéric et Klésia ne jouent probablement pas dans la même cour. Le groupe Klésia est-il à même d’assurer la pérennité de la Mutuelle UMC et de lui permettre de retrouver une certaine sérénité, pour ses adhérents et pour son personnel ?
« Le groupe Klésia respecte l’ensemble des conditions imposées aux Groupes de Protection Sociale. Dans ce partenariat qui se dessine, nous aurons l’opportunité de piloter un pôle mutualiste important en construction et de bénéficier de nouveaux axes de développement.
Tout ceci naturellement, et nous y sommes particulièrement attentifs, dans l’assurance de préserver et garantir les intérêts de nos adhérents et de nos salariés. »
Pourrons-nous toujours parler d’une solidarité intergénérationnelle ? Les retraités LCL adhérents à la Mutuelle UMC ne risquent-ils pas d’en faire les frais ?
« Comme je l’ai dit, le principe de solidarité intergénérationnelle est aujourd’hui mis à mal parce que nos parlementaires ont choisi la voie liberticide de la « segmentation » ! Et ce n’est pas de notre fait : la Mutualité Française se bat sur tous les fronts pour que raison soit gardée.
Comme tous les seniors, ceux de l’ex MPLCL seront, si rien ne change, cantonnés dans un cadre contraint avec les conséquences tarifaires qu’on peut imaginer. Ce n’est pas notre conception car toute atténuation du caractère distributif de notre système de santé est source inévitable d’inégalité. »
Président, je vous remercie de la franchise avec laquelle vous avez répondu à mes questions. Comme le pire n’étant jamais sûr, que vive l’UMC.
Quelques mots de conclusion ?
« Dans le monde tourmenté dans lequel nous vivons, j’aimerais qu’on n’oublie pas que notre pays dispose d’acteurs « non lucratifs » qui jouent un rôle majeur et sont les garants de la prise en compte des Français et de leur santé. C’est sa force et sa richesse, et l’UMC peut être fière d’y participer. »
Au revoir et à bientôt.